25/07/2009
A quoi sert le Festival d’Avignon ?
WYNANTS,JEAN-MARIE
Mardi 7 juillet 2009
Scènes Une manifestation incontournable où les Belges sont nombreux
Avignon
de notre envoyé spécial
Bon, d’accord ! Comme chaque année, le Festival d’Avignon est de retour. Mais finalement, à quoi peut bien servir cette gigantesque manifestation qui transforme, un mois durant, le visage de la ville. « Pour nous, c’est simple, c’est la meilleure recette de l’année, rigole cette vendeuse d’une boutique de chaussures proche de la place de l’Horloge. En vacances, les gens achètent plus facilement. Et ceux qui viennent pour le festival sont pareils aux autres. ».
Même son de cloche du côté du glacier installé quelques mètres plus loin. « En période de festival, ça défile toute la journée et jusque très tard dans la soirée. Nous, le festival, on y tient ! On n’a pas le temps d’aller voir les spectacles, mais trois semaines comme ça, c’est bon pour le commerce. »
L’Avignonais entretient ainsi un étrange rapport avec « son » festival. « On voit pas mal d’habitants qui viennent assister au lancement de saison », explique Philippe Grombeer, directeur du théâtre des Doms. Dans ce lieu appartenant à la Communauté française, il propose une programmation étendue sur toute l’année. Du coup, le Théâtre des Doms est devenu un des piliers de la vie artistique de la ville. Et Philippe Grombeer un fin connaisseur des réalités locales. « Contrairement à ce que certains affirment parfois, je ne pense pas que les Avignonais en aient marre du festival. Je dirais plutôt que cette ville n’est pas hyper chaleureuse avec son festival… mais qu’elle en profite. Beaucoup d’habitants louent leur maison, leur appartement, leur garage et se replient quelques jours dans la famille. Ils se font un petit bas de laine durant l’été. Mais par ailleurs, ils sont assez contents de la renommée de leur ville. »
Cette renommée, elle la doit d’abord au festival créé par Jean Vilar et dirigé aujourd’hui par Vincent Baudriller et Hortense Archambault. Pour l’édition 2009, le duo a fait appel à Wajdi Mouawad comme artiste associé. Avec lui, ils ont réfléchi à une programmation qui croise Orient et Occident tout en remettant la narration au centre du plateau. Un travail entamé il y a deux ans, bien avant la crise actuelle. « On ne sent pas vraiment d’effet de crise jusqu’à présent, explique Rémi Fort, du service de presse. Du côté des médias, tout le monde est au rendez-vous comme chaque année. Et les réservations fonctionnent normalement. »
Il y aurait par contre un léger tassement du côté du nombre de spectacles dans le festival Off. Au fil des ans, celui-ci s’est transformé en une grande kermesse où l’on côtoie le pire (mais alors là, vraiment, le pire) et le meilleur. Ultra-visible avec ses parades, ses tracts et ses envahissantes affiches, le Off est souvent la seule facette d’Avignon que découvrent les touristes d’un jour.
Pour les autres, fans de théâtre, professionnels, artistes et autres critiques, il s’agit constamment de passer du In au Off en tentant de ne rien louper d’important. Editeur de textes de théâtre, Emile Lansman est au rendez-vous chaque année, animant de multiples débats. Mais pourquoi dépenser tant d’énergie ? « D’une part, pour que les artistes se rencontrent. Même entre Belges, ils ne se rencontrent pas toujours à Bruxelles ou ailleurs. Ici, ils ont plus de temps et nous amorçons les discussions en espérant qu’elles se poursuivront après. D’autre part, c’est une manière de donner une image dynamique de notre création.»
Mais Emile Lansman est aussi là pour défendre les livres qu’il édite. « De ce côté-là, Avignon est indispensable. Nos livres sont dans toutes les librairies spécialisées. Des publics très divers s’y intéressent : des spectateurs ayant aimé le texte d’un spectacle, des compagnies cherchant des textes peu connus, des professionnels s’intéressant à nos ouvrages plus théoriques… »
Aux Doms aussi, les publics se croisent. « Nous avons de plus en plus de professionnels, explique Philippe Grombeer. Y compris des programmateurs belges qui n’ont pas le temps de voir les choses durant la saison et découvrent ici en une journée 7 ou 8 des meilleures créations de l’année. Et cela se traduit souvent par d’importantes tournées après le festival.»
Reste un problème pour nos créateurs : être programmé dans le festival In. Alors que la Communauté flamande pousse ses artistes à coup d’aides financières, la Communauté française n’a pas les mêmes moyens. Certains, pourtant, ne désespèrent pas. « Depuis Genèse, que nous avons présenté ici, explique Serge Rangoni, directeur du théâtre de la Place à Liège, il y a une vraie complicité artistique avec le festival. Le fait d’être désormais coproducteur de certains spectacles internationaux nous met dans une position plus forte pouravoir un vrai dialogue. Notamment pour faire en sorte que des artistes de chez nous soient programmés dans l’avenir sur les scènes du In. Des gens comme Transquinquennal, Claude Schmitz, Ingrid Von Wantoch Rekowski et d’autres y auraient parfaitement leur place. Mais ça ne se construit pas en un jour. On y travaille. »
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